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Balados de Services financiers Innovation CIBC

Dans notre série de balados #ÉconomieInnovationCIBC, des dirigeants, entrepreneurs, experts et investisseurs en capital de risque s’entretiennent sur l’évolution de l’économie nord-américaine de l’innovation.

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Maintenir l’élan en tant que nouveau chef de la direction avec Tom Keiser, chef de la direction de Hootsuite

[00:00:00] Tom On saute en fait toutes les étapes traditionnelles de recherche d’une communauté et d’un bassin de clientèle, de mise à l’essai de la marque et des idées de produits. Nous croyons que ce n’est qu’un début et que ça va gagner en sophistication. 

[00:00:20] Michael Bonjour, je m’appelle Michael Hainsworth. Le balado de Services financiers Innovation CIBC s’intéresse aux entreprises en démarrage, en croissance et bien établies qui ont fait une percée dans leurs secteurs partout dans le monde. Il vient un temps où tout fondateur doit confier les rênes de son entreprise à un chef de la direction chevronné. Le dilemme du fondateur, traité dans nombre de livres, fait l’objet de bien des débats à la maîtrise en administration. Certains s’accrochent trop longtemps, alors leur société n’arrive pas à profiter de la dynamique du moment. D’autres refusent carrément de céder les rênes et leur société finit par perdre l’avantage du précurseur. Le transfert de pouvoir est un tournant important pour tout fondateur, mais qu’en est-il du nouveau chef de la direction? Tom Keiser a plus que quadruplé la valorisation de Zendesk. Il a recréé la plateforme de vente en ligne de la société mère de Victoria’s Secret et de The Gap puis, à la tête de Hootsuite, il développait la plateforme de gestion des médias sociaux quand la pandémie mondiale de COVID-19 nous a plongés dans l’incertitude. Et ce n’est pas la première fois qu’il prend ainsi le relais. 

[00:01:35] Tom Oui, j’adore ça. C’est la troisième fois que je collabore avec un fondateur. J’ai travaillé avec le fondateur de Limited Brands, dans le secteur du commerce de détail. Ensuite, à Zendesk, j’ai travaillé directement avec le fondateur, Mikkel Svane, comme chef de l’information et de l’exploitation. Puis j’ai eu cette occasion avec Ryan et Hootsuite. Je pense qu’on apprend beaucoup de choses quand on collabore avec le fondateur. Les fondateurs apportent des compétences particulières, leur passion et leur compréhension de l’entreprise, de ses motivations, des décisions qui l’ont amenée là où elle est, et certains fondateurs arrivent à laisser partir leur bébé pour qu’il grandisse, d’autres, non. Il était important pour moi, dans le processus d’entrevue et mes conversations avec Ryan, de savoir comment le conseil d’administration concevait concrètement le rôle du fondateur. Ryan, qui présidait le conseil d’administration à mon arrivée, est ensuite devenu membre du conseil. Mais gardait-il des droits de décision? Y avait-il des choses intouchables à mon entrée en fonction? Quelle liberté, quelle marge de manœuvre aurais-je? Nous avons établi un plan très clair, et Ryan l’a vraiment adopté. Il m’a beaucoup aidé par du coaching et en me guidant, mais me laissait en général diriger l’entreprise. Cette collaboration a dépassé tous mes espoirs. 

[00:02:59] Michael Vous avez parlé de Zendesk, dont vous avez fait croître la valorisation de deux à neuf milliards de dollars. Comment appliquez-vous cette expérience à Hootsuite? 

[00:03:08] Tom En effet, ça s’applique à bien des égards, même si les secteurs de Zendesk avaient des mandats de service à la clientèle et d’expérience client. À Hootsuite, le mandat est la gestion des médias sociaux et nous aidons les entreprises à s’y retrouver là-dedans. Quant à la taille, à Zendesk, le chiffre d’affaires initial avoisinait les 200 millions de dollars, et a augmenté à un milliard de dollars dans les quatre ans et demi où j’y étais. À mon arrivée à Hootsuite, les ventes approchaient les 200 millions de dollars avec un effectif à peu près semblable, et la société progressait moins vite que Zendesk, mais y aspirait sans aucun doute. Alors j’ai pu miser sur la méthode d’expansion, sur la priorité accordée aux personnes et à la stratégie, ainsi qu’à l’exécution et à la cadence, à titre d’exemple des possibilités pour notre entreprise. 

[00:04:00] Michael Que retenez-vous de votre travail dans le secteur de la mode? Le savoir acquis à The Gap, à Victoria’s Secret, comment l’appliquez-vous aux médias sociaux? 

[00:04:08] Tom Ç’a été toute une expérience. Je suis arrivé à la fin du boom de la vente au détail de produits de spécialité. J’ai beaucoup appris, à L Brands comme à Gap Inc., sur les marques privées et la vente de produits de spécialité. On parle de concevoir ses propres produits et de conclure des ententes avec des fabricants du monde entier pour les fabriquer. Il faut d’énormes chaînes d’approvisionnement pour ramener les produits dans les centres de distribution, les magasins et le commerce en ligne. Ce fut une formidable occasion d’apprentissage pour moi, de diriger les technologies pour les deux sociétés, de pouvoir bâtir et soutenir les plateformes, en appuyer la croissance et susciter un essor en Chine. Mais la leçon que j’ai apprise à la dure à L Brands, du fait de l’approche utilisée à Victoria’s Secret et à Bath & Body Works, c’est que le commerce de détail se fait au jour le jour et exige d’adopter une cadence, un rythme et une rigueur dans la façon de mesurer les activités et d’y réagir. Il faut toujours tenir compte de plusieurs horizons de planification en vente au détail. D’abord, dans l’immédiat, comment réussir la fin de semaine? En parallèle, on planifie la prochaine saison. Les produits sont normalement déjà fabriqués quelque part, et on commence à déterminer le flux, les prix et le marketing. Puis il y a les tendances à long terme, il faut commencer à pressentir les couleurs, les tissus, etc. C’est une excellente formation en affaires, et j’ai intégré cette cadence et cette rigueur dans la technologie. À mon arrivée à Zendesk, quand j’ai accepté les responsabilités opérationnelles, je voulais vraiment établir une cadence non pas mensuelle ni trimestrielle, mais hebdomadaire et bimensuelle, pour vérifier les indicateurs de base des activités, bien comprendre et rester au fait de ce qui se passe dans l’entreprise afin de réagir et de s’adapter en cas d’obstacles. À la base de la technologie, de la chaîne d’approvisionnement, il y a les personnes. On a besoin de compétences et il faut pourvoir les postes qui figurent au budget. On doit surveiller la chaîne de recrutement et l’accueil des employés, les amener à comprendre et à devenir efficaces, examiner les pistes et occasions de pistes, ainsi que les obstacles concurrentiels. Il y a bien des ressemblances avec la vente au détail, elles sont difficiles à voir de loin, mais en regardant de plus près, on peut en voir beaucoup. C’est un combat à livrer chaque semaine pour obtenir la victoire. 

[00:06:38] Michael J’imagine, pour revenir à ce que vous disiez sur la recherche des bons candidats, qu’il y a des pièges à éviter dans le recrutement nécessaire. Parlez-nous d’une expérience formatrice que vous avez vécue dans le cadre de ce processus d’embauche et de recrutement des employés nécessaires. 

[00:06:56] Tom Oui. En vente au détail, l’expérience est précieuse. Nous recherchions une grande expérience en commerce de détail, et en technologie de vente au détail en ligne. Donc à cet égard, on recrutait souvent des gens plus âgés et plus expérimentés. Mais ce n’était pas le cas pour tous les postes, évidemment, les représentants en magasin, le personnel des centres de distribution, c’était surtout des jeunes. Mais la mentalité est toute autre en technologie, à Zendesk, puis à Hootsuite, on cible les candidats pour leur savoir-faire plutôt que leurs études, mais, en fait, on recherche des capacités et le potentiel qu’apportera à l’entreprise un candidat en particulier. On considère la chose de manière bien plus diversifiée, et bien plus mondiale. Les talents technologiques sont partout dans le monde, et dans ce domaine, on n’hésite pas à exploiter la technologie pour s’affranchir du lieu géographique où les gens accomplissent le travail. Je pense que l’état d’esprit est tout autre. Ça m’a beaucoup frappé en technologie, après la vente au détail, où on avait toujours des contraintes… il y avait des contraintes physiques partout. On avait une capacité limitée dans la chaîne d’approvisionnement, dans les magasins et dans les centres de distribution, une capacité limitée sur le plan technologique. Il y avait des contraintes partout, puis en technologie, plus précisément dans le domaine des logiciels-service et de l’infonuagique, ce qui m’a frappé, c’est l’absence totale de contrainte. J’en étais généralement conscient. Mais quand on y est concrètement et qu’on demande : combien ça coûte? Ça n’a pas d’importance. Combien ça coûtera de stocker tant de données ou de traiter telle chose? Ça n’a pas d’importance. On utilise les meilleures technologies disponibles pour régler un problème et on le fait la plupart du temps sans aucune contrainte. Ça ne permet pas toujours de régler les choses, mais cette mentalité, le fait que les employés aient cet état d’esprit sans contraintes, c’est vraiment très important pour réussir dans le secteur des technologies. 

[00:09:03] Michael Maintenant que vous êtes aux commandes, quelle est la prochaine étape pour Hootsuite? Comment la ferez-vous passer au niveau supérieur? 

[00:09:08] Tom Notre grande priorité est la croissance, et l’élargissement de notre clientèle. Nous avons près de deux cent mille clients payants, qui utilisent notre produit pour des choses simples, comme l’image de marque et la publication de messages, ou des choses plus complexes, comme de la publicité sur les plateformes de médias sociaux et la création de contenu plus sophistiqué, car la vidéo prend de plus en plus de place sur Instagram et TikTok, alors on veut aider nos clients à mettre en place ces capacités et les analyses connexes pour évaluer la rentabilité de ce qu’ils créent ou accomplissent. Mais de plus en plus, dans ce segment, on observe tangiblement du commerce, qu’il s’agisse de commerce social, qui se base sur les intérêts d’un client pour proposer des idées, ou de plateformes de messagerie, qui permettent d’accéder aux messageries et de tenir des conversations privées. Toute cette idée de conversations, de transformer les conversations en occasions de vente et de service à la clientèle dans le cadre de conversations à valeur ajoutée avec les clients, c’est la direction vers laquelle nous voyons ce marché évoluer. Notre objectif, du point de vue des produits, de la mise en marché, c’est de vraiment changer notre façon de penser. Nos efforts ont toujours été très axés sur le volet édition et ils le resteront, mais nous visons la maturité, nous voulons aider nos clients à l’atteindre et à utiliser ces technologies pour prospérer. 

[00:10:41] Michael Mais en quoi consistent une offre de produits élargie et une croissance par acquisition selon Tom Keiser? C’est l’évolution de Hootsuite, de la gestion des médias sociaux à l’intégration du service à la clientèle et du commerce en ligne dans les médias sociaux. D’autant plus que la COVID-19 et la menace de futures pandémies vouent la communication sans contact à une croissance exponentielle. Une fois qu’on dirige une société prospère depuis 12 ans, comment déterminer s’il faut changer de cap? Tom Keiser a d’abord acheté pour 60 millions de dollars l’intelligence artificielle conversationnelle de Heyday. A-t-il eu du mal à convaincre le conseil d’administration? 

[00:11:16] Tom Oui. Il y a deux ou trois choses en jeu ici, dans le marché où nous évoluons, les plateformes sociales existent depuis un peu plus d’une dizaine d’années maintenant, et nous étions là pendant tout ce temps, en intégrant d’abord Twitter, puis toutes les plateformes de médias sociaux à mesure qu’elles progressaient. De nouvelles plateformes de médias sociaux arrivent en ligne, mais c’est long pour elles de rejoindre le peloton de tête. TikTok est la plus notable et la plus récente, mais sinon, il faut remonter jusqu’à Instagram pour trouver une plateforme qui a effectué une telle percée. Alors nous ajoutons constamment de plus en plus de raffinement à nos produits de base et continuons d’aider nos clients à se perfectionner dans leur utilisation des produits, mais le fait est que ce marché évolue sous l’influence du commerce et personne ne sait vraiment ce qui en sortira. Est-ce appelé à remplacer le commerce électronique? Ou à supplanter le commerce en magasin? Car il y a certaines choses qu’on peut faire dans les médias sociaux en tête-à-tête, c’est plus personnalisé et plus axé sur le produit concerné. Ça devient une expérience d’achat très différente. Nous avons ressenti la nécessité de devancer la rondelle, pour utiliser une analogie canadienne : c’est la tendance que suit le marché et ça va entraîner du changement et réorienter tout ce que nous faisons aujourd’hui concernant l’édition, l’image de marque, la publicité et le service à la clientèle en fonction d’activités de nature commerciale. Nous devons donc centrer résolument nos efforts sur l’harmonisation avec les plateformes de médias sociaux, mais aussi avec les messageries sous-jacentes. Car c’est là qu’on observe le plus de succès dans le commerce, dans la capacité des marques de vraiment contrôler l’expérience depuis l’intérieur d’une plateforme de messagerie bien mieux qu’elles le peuvent sur Facebook ou Instagram. Alors nous avons discuté avec Heyday, nous adorons l’équipe de direction. L’entreprise s’inscrit dans l’axe des ventes au détail et en ligne. Elle faisait partie des leaders éclairés du commerce dans les médias sociaux. Sa plateforme était déjà très moderne et progressait très vite, et nous devions participer à cet essor. Ça nous a permis de sauter quelques étapes et d’aller de l’avant avec elle. Nous l’avons traitée et financée comme ce qu’elle était, une entreprise en démarrage. Elle amorçait le financement de série A et nous avons en fait financé la série A. Nous continuons de financer et de faire croître cette entreprise très rapidement afin de suivre, du point de vue du leadership éclairé, l’évolution de ce marché. 

[00:13:46] Michael J’imagine que ce n’est pas la dernière acquisition que vous ferez à Hootsuite. En quoi la mentalité d’un dirigeant visant la croissance par acquisitions diffère-t-elle de celle d’un dirigeant d’entreprise en démarrage? 

[00:13:58] Tom Oh, c’est dur à dire. C’est très complexe. La voie des fusions et acquisitions, pour les sociétés technologiques, est pavée de désastres, d’égarements et de nombreux échecs. De belles intentions, mais qui se soldent par des échecs. La prudence est de mise, en fusions et acquisitions. Ce que nous avons, à Hootsuite, c’est une longue histoire d’acquisitions réalisées. J’ignore le nombre exact, peut-être huit ou dix acquisitions au fil des ans, la plupart de petite taille, pour les talents technologiques. Je considère les acquisitions comme un ensemble de capacités utiles pour satisfaire nos clients et qu’ils sont prêts à payer. C’est la combinaison de technologies et de talents qui cadre bien avec notre culture et notre entreprise, et peut s’y greffer. Nous sommes donc très actifs dans ce domaine, qui est vraiment très dynamique. Personne ne peut savoir où vont les médias sociaux et comment les entreprises et organisations en tireront parti. Nous savons simplement que de plus en plus d’entreprises s’y bousculent parce que les canaux de communication ou de marketing traditionnels où elles communiquaient avec leurs clients disparaissent. À mesure que toute cette économie d’influence évolue, le marché change alors il faut rester actif, il faut participer activement à l’évolution, puis se demander s’il est plus avantageux de construire la technologie ou de l’acheter. Nous n’avons pas mobilisé de capitaux depuis fin-2013 ou début-2014, alors nous nous autofinançons dans ce processus. Nous avons donc à cet égard des priorités et une discipline différentes, et nous procédons avec grande rigueur pour veiller à acheter les bonnes choses, pour, en fin de compte, obtenir les rendements attendus de ce que nous achetons. 

[00:15:42] Michael Oui, après tout, c’est votre argent, vous ne jouez pas avec l’argent des autres. 

[00:15:45] Tom Absolument. 

[00:15:47] Michael Mais sachant que, comme vous l’avez dit, nul ne sait quelle direction prendront les médias sociaux, selon vous, à quoi ressemblera le marché du service à la clientèle et du commerce dans les médias sociaux après la COVID-19? 

[00:16:00] Tom Je ne m’attends pas à un retour en arrière. Nous avons observé un mouvement massif vers les plateformes sociales qui perdure, pas juste chez les gens (plus de la moitié de la population mondiale est active dans les médias sociaux), mais aussi du côté des entreprises de toutes tailles. Et vous savez, tout ce mouvement de démission, où une foule de gens ont quitté leur emploi, un genre de grande démission, pour démarrer leur entreprise, et la démarrent directement sur les médias sociaux, escamotant ainsi toutes les étapes traditionnelles de recherche d’une communauté et d’un bassin de clientèle, de mise à l’essai de la marque et des idées de produits. Nous croyons que ce n’est qu’un début et que ça va gagner en sophistication. Les influenceurs, surtout les influenceurs vidéo, continueront d’accroître leur valeur pour les marques et leur influence sur les marques. Nous devons donc tous réfléchir aux produits à mettre en place et à la façon dont cet écosystème s’imbriquera afin de créer des moyens pour que les entreprises traditionnelles y prospèrent. Si on regarde la composition de notre clientèle, on y trouve beaucoup d’entreprises traditionnelles tentant de rejoindre en un lieu précis un groupe particulier de clients actuels ou potentiels pour communiquer avec eux, mais aussi de plus en plus de ces sociétés axées sur le numérique et les médias sociaux qui ont des besoins très différents. Comment rendre toutes ces capacités et les courbes d’apprentissage de plus en plus faciles pour les clients? Nous avons donc investi massivement dans la formation. Nous avons tout un processus éducatif et de certification pour aider nos clients à s’y retrouver et à progresser. C’est aussi intégré dans… des centaines d’universités utilisent les produits de la Hootsuite Academy pour que les étudiants obtiennent la certification. J’ai trois enfants au collège, dont un en marketing. La formation en marketing de nos jours est complètement différente d’il y a dix ans, et évidemment de ce que j’ai vécu, quant à l’intégration de la technologie, à l’intégration du contenu, de la création de contenu et de la technologie pour renforcer les marques et le marketing. Désolé pour la réponse longue et un peu confuse. 

[00:18:23] Michael Comment c’était, devenir chef de la direction pendant la pandémie mondiale? 

[00:18:29] Tom Ça n’a pas été facile. Ce n’était pas comme je l’avais imaginé. J’ai commencé le processus d’entrevue au début de la pandémie, alors je n’ai jamais pu rencontrer Ryan en personne. Je n’ai pas rencontré le conseil d’administration, à une exception près. J’habite à San Francisco, le siège social de Hootsuite est à Vancouver. Nous avons près de treize cents employés maintenant, dont la moitié est au Canada. La frontière a été fermée durant un an et un trimestre après mon entrée en fonction, alors je n’ai pas pu rencontrer d’employés non plus. Tout le monde s’est donc adapté. On a tous dû s’adapter, mais j’ai toujours eu l’impression qu’il manquait quelque chose. C’est une impression, je faisais du recrutement et j’assurais un leadership, nous avons même ajouté quelques membres au conseil d’administration, mais il y avait toujours cette impression de manque, pour moi du moins, du fait de ne pas pouvoir rencontrer les gens en personne. L’automne dernier, quand la frontière a rouvert, j’ai passé du temps au Canada avec les employés que je pouvais rencontrer, ç’a été fantastique. Lorsque le nombre de cas de COVID-19 a remonté, nous avons arrêté, mais nous recommençons maintenant à le faire. Cela dit, on peut être très efficaces et bien entendu, il y a toutes sortes d’avantages, pour l’équilibre travail-vie personnelle, à éliminer les déplacements et à donner aux employés la souplesse de travailler quand et comme ils le veulent. Pourtant il n’y a rien de tel que d’être dans la même pièce, se parler face à face et résoudre les problèmes ensemble. En fait, nous réunissons pour la première fois toute l’équipe de direction à Vancouver la semaine prochaine, et j’ai vraiment hâte, car ce n’est pas pareil en personne. On sent que les liens se tissent de manière très différente. 

[00:20:01] Michael J’allais dire au plus fort de la pandémie, mais nous ne le savions pas à ce moment-là, donc au début de la pandémie, vous avez fait du bien-être des employés une priorité d’entreprise. Expliquez-nous ce processus. 

[00:20:12] Tom Oui. Eh bien, on travaille avec des gens. On ne peut pas faire croître notre entreprise sans compétences. Le secteur du logiciel-service et des abonnements a un avantage : on bâtit un cadre et des capacités, et ce sont les gens qui y viennent, c’est formidable. Mais en définitive, pour croître, il faut des compétences. Nous travaillions à renforcer notre équipe. Nous évaluions la situation, sondions nos employés et tentions de les écouter, et on voyait les soldes de congés rémunérés augmenter. Les gens ne prenaient pas de vacances. Ils étaient à la maison. Ils ne pouvaient aller nulle part. Ils ne prenaient pas de congé. Ils étaient fatigués, ils avaient peur. Nous avons souvent eu ce genre de conversations pour tenter de déterminer quoi faire. Nous avons convenu de faire ce que j’avais déjà fait en commerce de détail, une fermeture d’une semaine où on interrompt la majeure partie des activités, on ne peut jamais tout fermer, mais on en ferme le plus possible pour que tout le monde prenne une pause en même temps. Il ne s’agit pas de vacances partielles, où les courriels et messages continuent d’arriver et où on nous demande de continuer à faire progresser les projets. Nous avons donc exploré le concept de semaine de bien-être, et décidé de ne pas réduire le nombre de congés rémunérés de nos employés. C’était une simple semaine de congé autorisé pour nos employés, et nous avons 200 000 clients, alors il a fallu composer avec le service à la clientèle et toutes sortes de choses du genre, mais ça s’est avéré très populaire. Nous l’avons fait en juillet dernier. Nous avons vraiment cessé les activités. Notre équipe de direction s’y est pliée, n’a envoyé aucun message de la semaine, et ça a été une belle réussite. Nos employés en ont profité, ils ont aimé la tranquillité que ça leur a procuré. Nous avons aussi mis en place des stimulants, d’autres incitatifs, afin d’encourager nos employés à prendre leurs vacances pour des questions de santé et de bien-être. Nous avons donc remis des prix et certaines primes pour que les employés ne reportent pas systématiquement leurs vacances, mais recommencent à les prendre. Et c’est difficile, quand on s’y met, de perdre par moment le tiers, la moitié ou la totalité de son effectif. Mais on se reprend parce que les employés, une fois prêts à revenir, se concentrent entièrement sur leur travail. 

[00:22:23] Michael Parlez-moi de vos employés, en particulier des leçons apprises. Vous avez fait une croix sur un contrat auprès de l’Immigration and Customs Enforcement des États-Unis. En quoi la contestation de vos employés a-t-elle fait de Hootsuite une meilleure entreprise? 

[00:22:36] Tom Oui, cette affaire a été un coup dur. C’était au cours de mon premier mois à la tête de l’entreprise, donc nous étions en mode virtuel. Nous travaillons beaucoup avec des gouvernements, américains, canadiens et d’autres pays. Notre produit fonctionne très bien pour soutenir les organismes gouvernementaux. Nous vérifions une série de critères pour chacun de nos clients potentiels. Ça se résumait en fait à déterminer si l’entreprise était légale. Il n’y avait pas vraiment d’autres critères déterminant avec qui nous faisons affaire. Nous en avons discuté avec l’équipe de direction. Des conversations ont eu lieu dans l’entreprise à savoir si c’était une bonne idée de travailler avec une organisation aussi controversée. C’était un cas d’utilisation plutôt simple, voire ennuyeux, pour le segment des communications de l’organisation. Alors nous l’avons accepté. Ensuite, eh bien, nous travaillons dans le milieu des médias sociaux et nous avons dans l’effectif beaucoup de jeunes qui ne se gênent pas pour s’exprimer et qui l’ont fait. Ils étaient mécontents de la décision. Nous avons près d’une centaine d’employés à Mexico, dont beaucoup se sont personnellement frottés aux autorités américaines de l’immigration. Alors nous avons écouté! J’ai écouté attentivement. Je venais d’arriver, j’apprenais à connaître l’entreprise. En écoutant, j’ai constaté aussi que les médias sociaux sont très ouverts et qu’on ne peut qu’admirer la beauté de cette communication ouverte, d’une part, mais en tant qu’organisation, nous dépendons de personnes qui ont chacune leurs croyances et qui se soucient de l’entreprise et de ce qu’elle représente. Nous reconnaissons que nous n’avions pas fait le nécessaire, comme entreprise, pour définir qui nous sommes, au-delà de notre appui à la liberté d’expression. Nous avons donc suivi le pénible processus de résiliation du contrat. On m’a condamné de toutes parts. C’était mon initiation au monde des médias sociaux… 

[00:24:45] Michael Le baptême du feu! 

[00:24:47] Tom Oh oui! Mais c’était la bonne décision pour nous. En tant qu’entreprise, nous avons pris du recul, à ce moment-là, comme entreprise de 12 ans, pour nous demander : « Quelles sont nos valeurs? » Nous avions les valeurs d’une jeune entreprise, le cran et le dynamisme, ce genre de choses. Mais qui sommes-nous vraiment en tant qu’entreprise? Nous avons donc consacré beaucoup de temps à l’élaboration de nos principes directeurs, à en parler, à déterminer comment les concrétiser et nous rallier autour d’eux. Nous avons mis au point un processus appelé WHOBIZ, pour examiner avec qui nous faisons affaire, ainsi qu’un processus de soumission à l’échelon supérieur pour évaluation, et établissons de plus en plus de politiques sur ce qui est autorisé ou non sur notre plateforme. Nous avons aussi mis en place, compte tenu des guerres en cours dans le monde, le processus WHEREBIZ, car en ce moment, dans un pays légal, si vous avez accès à Internet, vous pouvez obtenir notre produit. Mais comment devrions-nous considérer cette situation? Donc, nous poursuivons l’expansion de notre entreprise et la mise en place de politiques qui rendent notre plateforme plus sûre et meilleure pour nos clients et en font un produit avec lequel nos employés sont heureux de travailler. 

[00:26:01] Michael : Tom, c’était fascinant. Merci de votre temps. 

[00:26:03] Tom Ce fut un plaisir. 

[00:26:04] Michael S’il y a une chose qu’un jeune entrepreneur ou un chef d’entreprise en croissance devrait retenir de cet entretien, quelle serait-elle? 

[00:26:11] Tom En fin de compte, tout se résume aux ressources humaines. On veut avoir les bonnes personnes au bon endroit et au bon moment, des personnes avec qui on peut s’entendre, ou ne pas être d’accord, et avec qui on peut progresser. Avoir des employés axés sur l’action, enclins à l’action, qui peuvent être d’excellents collaborateurs individuels, mais aussi de remarquables joueurs d’équipe, qui jouent pour gagner et veulent accomplir de grandes choses. C’était le cas dans tous les postes et tous les emplois, peu importe le type d’entreprise où j’ai travaillé. En technologie, puisqu’on embauche toujours beaucoup de gens, on néglige parfois ces critères au profit des compétences, au lieu des valeurs communes et de la mentalité nécessaires pour atteindre un objectif. On veut parfois aller trop vite. Par exemple, on a besoin de 100 ingénieurs. On abaisse les exigences de diversité ou de combinaison de compétences, mais on en paie ensuite le prix. Nous l’avons observé dans les secteurs traditionnels au fil des ans, et c’est au premier plan en technologie aujourd’hui. Faire passer les personnes et la culture avant tout, faire ce qu’il faut ou revenir en arrière pour corriger ses erreurs afin de faire mieux à l’avenir, c’est un investissement qui vous rapportera encore et encore, davantage que pratiquement n’importe quoi d’autre. 

[00:27:44] Michael Tom Keiser est assurément quelqu’un qui aime les gens, c’était manifeste durant notre entretien. Pour ce chef de la direction axé sur la croissance, la réussite exige de trouver les bonnes personnes et de bien les traiter, qu’il s’agisse d’une semaine de congé autorisé, de l’adaptation au travail en temps de COVID-19 ou de l’écoute des contestations sur des questions sociales. L’intelligence artificielle est une technologie clé non seulement pour l’avenir, mais aussi dès maintenant et, pour Tom Kaiser, faire progresser l’entreprise dans cette direction, c’est plus qu’intelligent, c’est du gros bon sens. Ici Michael Hainsworth, merci de votre attention.