Découvrez une sélection de contenus provenant de chefs de file du secteur et d’experts qui façonnent l’avenir de notre économie de l’innovation.
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Balados de Services financiers Innovation CIBC
Dans notre série de balados #ÉconomieInnovationCIBC, des dirigeants, entrepreneurs, experts et investisseurs en capital de risque s’entretiennent sur l’évolution de l’économie nord-américaine de l’innovation.
Résumé de l'épisode
Comme le savent déjà les entrepreneurs et chefs de la direction, l’étape de la croissance en est une de développement de l’entreprise, ce qui exige normalement d’y injecter des fonds. C’est là qu’interviennent les gourous de l’investissement comme Deven Parekh. Directeur général d’Insight Partners depuis plus de 22 ans, Deven a des conseils judicieux à donner aux entrepreneurs désireux d’obtenir du financement pour leur entreprise. Au cours de sa carrière, toutes les sociétés dans lesquelles il a investi ont généré d’importantes distributions : Buddy Media, acquise par Salesforce, Football Fanatics, achetée par GSI Commerce et plus tard, par eBay, et Media Mind, vendue à DG Fast Channel après le premier appel public à l’épargne. Dans cet épisode, l’investisseur mondial nous expose les principaux attributs que lui et son équipe recherchent dans les sociétés de logiciels du monde entier.
Notes de l’épisode
À l’affût des grands marchés
Deven expose quelques-unes des principales caractéristiques que lui et son équipe recherchent au moment de trouver des entreprises où investir. D’abord, ils ciblent surtout les grands marchés afin de maximiser les occasions de croissance. De plus, ils recherchent des entreprises dotées d’un produit technologique difficile à reproduire afin de garder une longueur d’avance sur la concurrence, et qui offre un potentiel de croissance exponentielle de l’intérêt des acheteurs. Enfin, ils privilégient habituellement les équipes solides, dirigées par d’excellents leaders qui ressentent une réelle passion pour le problème qu’ils contribuent à résoudre.
Interagir en personne pour réduire le risque
À mesure que la pandémie se résorbe, d’autres de ses effets à long terme sur le monde des affaires se feront jour. Selon Deven, pour les investisseurs, l’organisation de rencontres en personne suivies d’un repas ou d’un verre n’est pas qu’une affaire d’amabilités, c’est aussi un moyen de réduire le risque en nouant des liens de confiance personnels. Beaucoup d’entreprises continueront d’utiliser des outils comme Zoom et un milieu de travail hybride pour des raisons de commodité, mais le rôle des rencontres en personne restera déterminant pour l’établissement d’une base de confiance et de collaboration dans les équipes.
Investir dans ses passions
En général, Deven conseille aux entrepreneurs de choisir un problème dont la résolution leur tient à cœur et d’en faire la priorité de leur entreprise. Il est souvent tentant de se consacrer aux nouvelles tendances du marché, mais il vaut mieux suivre sa passion afin de mettre toutes les chances de son côté pour trouver une solution au problème qu’on veut résoudre. Deven fait remarquer que les gens pensent souvent qu’il est compliqué de réussir, mais c’est très simple : repérer un irritant, travailler à le résoudre et convaincre les clients d’acheter son produit.
Services financiers Innovation CIBC offre des conseils stratégiques, des solutions de gestion de trésorerie et des services de financement aux entreprises du secteur de l’innovation en Amérique du Nord, au Royaume-Uni et dans certains pays européens, à toutes les étapes du cycle économique, du démarrage aux premiers appels publics à l’épargne et au-delà. Communiquez avec les membres de notre équipe à l’adresse cibc.com/servicesfinanciersinnovation.
Afficher les contributeurs:
Deven Parekh
Insight Partners
Michael Hainsworth
CIBC
CIBC Innovation Banking
[00:00:00] Deven Je pense que ces échanges en personne, comme les gens le constatent aussi dans la sphère personnelle, parce qu’ils nous permettent de voir le langage corporel et de parler de choses et d’autres pour détendre la conversation, sont souvent bien plus efficaces qu’une séance sur Zoom.
[00:00:21] Michael Bonjour, je m’appelle Michael Hainsworth. Le balado de Services financiers Innovation CIBC s’intéresse aux entreprises en démarrage, en croissance et bien établies qui ont fait une percée dans leurs secteurs partout dans le monde. Comment accélérer la croissance des revenus et les bénéfices tirés des logiciels dans l’après-pandémie? Comme le savent les entrepreneurs et les chefs de la direction, pour croître il faut développer l’entreprise, ce qui exige normalement d’y injecter des fonds. C’est là que Deven Parekh entre en scène. Il est directeur général à Insight Partners, où il travaille depuis plus de 22 ans. Buddy Media a été acquise par Salesforce et Media Mind, vendue à DG Fast Channel après le premier appel public à l’épargne. L’investisseur mondial actif en Europe, en Israël, en Chine, en Inde et en Amérique latine dit rechercher les meilleures sociétés de logiciels du monde entier. Comment les définit-il? Et où cherche-t-il actuellement?
[00:01:21] Deven Oui, il s’est passé une chose intéressante, car la COVID-19 a mis fin aux déplacements, on aurait cru qu’en conséquence, on s’intéresserait à des affaires de plus de plus en plus proches géographiquement, mais étonnamment, c’est le contraire qui s’est produit. Nous continuons bien sûr de faire des affaires près de chez nous, mais mon dernier appel d’aujourd’hui était avec une entreprise d’Afrique. Ces deux dernières années, nous avons conclu plus 15 ententes en Inde, nous n’en avions aucune avant la COVID-19. Nous en avons conclu une aux Philippines. Nous en avons conclu une en Indonésie. Je pense que l’effet de la COVID-19, puisque tout le monde communiquait par Zoom, que la distance soit de 10 000 milles ou de 50 milles, ça finissait par être la même expérience pour tous. C’est une tendance intéressante survenue pendant la pandémie, et que je n’aurais jamais pu prévoir. Cela dit, comment reconnaître les meilleures sociétés? Quelles sont leurs caractéristiques communes? Ça n’a pas vraiment changé. Ça n’a pas vraiment changé malgré la COVID-19. Premièrement, nous recherchons des marchés très vastes. C’est sans doute la chose la plus importante. Nous investissons surtout à l’étape intermédiaire ou de croissance, et de plus en plus avant aussi, mais à l’étape de la croissance ou avant, un vaste marché à conquérir, c’est très important. Deuxièmement, nous recherchons un fossé technologique, c’est-à-dire que ce que fait la société est difficile à faire, et difficile à reproduire. Il est ainsi plus ardu pour les concurrents de reproduire la chose en question. Troisièmement, nous recherchons une dynamique favorable, où les clients achètent le produit et en achètent plus. Nous aimons dire à la blague que le produit plaît à la meute. Quatrièmement, dans l’ordre ou le désordre, nous recherchons d’excellentes équipes. En essence, nous voulons de bonnes équipes de direction, d’excellents fondateurs, vraiment passionnés par la résolution d’un problème. On n’obtient pas toujours les quatre, mais quand ça arrive, c’est vraiment fantastique.
[00:03:17] Michael Parlez-moi de ce fossé technologique. Comment savoir si une société où on veut investir offre un fossé assez large pour tenir la concurrence à distance?
[00:03:26] Deven Eh bien, on ne sait jamais. On ne sait jamais avec certitude. C’est dans la nature du capital-risque. Si c’était facile, tout le monde le ferait. Je peux dire, évidemment, que nous passons beaucoup de temps à parler aux clients. C’est sans doute un des contrôles les plus importants que nous effectuons. Notre équipe évalue la technologie et il en résulte une appréciation de sa complexité. Nous n’accordons pas vraiment de valeur aux brevets et à ce genre de choses. Nous savons qu’il y a toujours différentes façons d’aborder un même problème. Ça ne compte pas beaucoup, ce qui compte, c’est plutôt la difficulté de résoudre le problème, à quel point il serait facile pour d’autres de le résoudre. Parfois, on se retrouve devant solution verticale, alors il ne suffit pas de comprendre la technologie, il faut aussi comprendre la verticale, qui repose sur beaucoup de processus, en comprendre le fonctionnement afin de l’intégrer dans l’application. Parfois, la propriété intellectuelle ne se limite pas au code. Il peut aussi s’agir de la complexité d’un processus. Parfois, les gens s’imaginent le fossé en nombre de lignes de code. Mais ce n’est pas toujours vrai. Une solution qui compte beaucoup de lignes de code n’est pas nécessairement dure à reproduire. Parfois, c’est la complexité du code, mais souvent aussi, c’est la complexité du processus que facilite la solution, et comprendre la dynamique du secteur peut avoir autant d’importance que les lignes de code.
[00:04:50] Michael Vous avez dit aimer faire preuve de souplesse dans les ententes que vous établissez pour de jeunes entreprises. Comment définissez-vous la meilleure entente?
[00:04:59] Deven Bien, en général, on nous le dit. Quand on affirme faire preuve de souplesse, ça veut dire qu’on n’a pas d’idée arrêtée de ce à quoi une entente avec Insight doit ressembler. Ça peut être des participations minoritaires ou majoritaires. Il n’y a pas de pourcentage de propriété déterminé que nous tenons à obtenir. Parfois, nous détenons seulement 3 % ou 4 % des sociétés, et d’autres fois, jusqu’à 100 % des sociétés. Nous voulons trouver les meilleures sociétés, dans les marchés les plus intéressants, dirigées par les meilleures équipes, et conclure des ententes adaptées à leur situation.
[00:05:34] Michael Est-ce à dire que vous cherchez la croissance à tout prix?
[00:05:39] Deven Non. C’est vrai qu’on a beaucoup parlé de valorisation et qu’il y a eu beaucoup de volatilité sur les marchés. Vous savez, un de mes associés dit souvent que nous ne payons jamais trop cher, ce sont les entreprises qui se trompent dans les chiffres. Nous le disons à la blague, mais en fait, ce commentaire veut dire qu’avec une croissance très rapide, de 100 % ou plus, on peut payer, je n’aime pas dire n’importe quel prix, mais on peut payer un prix assez élevé et quand même obtenir de bons résultats, car le ratio est littéralement divisé par deux chaque année. Alors si on paye X fois le chiffre d’affaires, l’année d’après c’est 0,5, l’année suivante, 0,25 fois le chiffre d’affaires. Les gens veulent toujours savoir le prix, mais ils devraient plutôt me demander ce qu’est un taux de croissance durable. Si on a raison au sujet du taux de croissance durable, le prix n’a pas vraiment d’importance, et si on a tort, et bien il est fort probable que le prix n’était pas assez bon marché. Pour nous, c’est très important de le comprendre, et c’est pour ça que les grands marchés sont importants, car la valeur peut y croître pendant très longtemps. Il est difficile, dans un petit marché, de générer des taux composés élevés et, parfois, dans un marché haussier, tous les ratios montent, même ceux des marchés plus limités. Il est de loin préférable de payer plus cher sur un marché plus important où il est possible de profiter de la capitalisation plus longtemps.
[00:06:59] Michael Mais concernant ce taux de croissance durable, nous avons vu une croissance remarquable dans certains segments du secteur, sous l’effet de la COVID-19, l’informatisation accélérée des entreprises depuis environ deux ans a vraiment stimulé les résultats de beaucoup d’entreprises offrant cette capacité, mais est-ce que ça durera après la pandémie? Doit-on redéfinir ce qui constitue un taux de croissance durable avant et après la COVID-19?
[00:07:28] Deven Il y a certainement certaines sociétés qui ont connu une accélération pour ainsi dire anormale en raison de la COVID-19. Le meilleur exemple interentreprises pourrait être Zoom. Le meilleur exemple en consommation pourrait être Peloton. Pas les meilleurs exemples, mais ceux dont on a le plus entendu parler. Dans les deux cas, le taux de croissance a nettement diminué depuis que la pandémie s’est résorbée. Je ne dis pas que la COVID-19 est terminée, mais depuis que ses effets se sont résorbés. Nous avons constaté que très peu de sociétés ont vécu ce type d’accélération, c’est-à-dire attribuable, pour ainsi dire, à un comportement qui a changé du jour au lendemain et qui revient à la normale relativement rapidement. La plupart des entreprises ont enregistré, surtout celles axées sur la collaboration et certains autres outils qui ont aidé les entreprises à travailler malgré la COVID-19, une accélération de la croissance, mais je pense que dans bien des cas… prenons le retour au travail comme exemple. Les applications logicielles facilitant la collaboration à distance, y compris Zoom, demeureront pertinentes, car la plupart des entreprises reviennent à un horaire hybride, et non à la semaine de travail de cinq jours. Et pour la semaine de travail de cinq jours au bureau, c’est probablement le début de la fin, l’avenir nous dira si c’est une bonne chose ou non, mais c’est en train de se passer. Ça va obliger les entreprises à continuer d’investir dans les outils de collaboration. Aura-t-on la même croissance extrême qu’avant? Non. Mais les entreprises devront-elles continuer d’investir dans de tels outils? Oui. Selon nous, l’avantage de la COVID-19, qui est la croissance technologique, c’est que les entreprises ont réalisé leur besoin permanent de ce genre d’outils. S’agissant des sociétés dites non technologiques, ou de consommation, elles comprennent que se doter d’un canal numérique très efficace est indispensable. Par exemple, Wal-Mart a fait l’équivalent de cinq années d’investissement en une. Est-ce que ça a stimulé les dépenses des entreprises? Bien sûr. Wal-Mart considère-t-elle que son canal numérique revêt encore plus d’importance qu’avant la COVID-19? Oui. Est-ce que ça aboutira au maintien d’un fort investissement dans le numérique? Oui. Et je pense qu’il en sera de même dans de nombreux secteurs.
[00:09:50] Michael Deven Parekh connaît les secrets des bonnes occasions d’investissement. Malgré la pire crise sanitaire en 100 ans, il a observé ce qu’il appelle le déploiement de capitaux le plus rapide de notre histoire Jamais au cours de sa carrière il n’a vu des sociétés de qualité affichant de tels taux de croissance. Dans certains secteurs, l’informatisation a progressé de cinq ans en un mois. Il estime peu probable que la bulle de demande retrouve de telles proportions, mais s’attend à des tendances à long terme inchangées. C’est une bonne nouvelle pour les entreprises qui veulent croître afin de répondre à la demande. Mais comment Deven les aide-t-il à prendre de l’expansion?
[00:10:27] Deven Un des aspects qui rendent Insight unique, c’est que la grande majorité de ses d’employés ne travaillent pas dans l’équipe des placements. La plus grosse équipe, un groupe appelé Insight Onsite, s’apparente à une équipe d’opérations à valeur ajoutée. Mon associée, Hillary Gosher, a bâti une structure comme celle d’une organisation logicielle, comportant chaque secteur fonctionnel d’une organisation logicielle : finances, ventes, marketing, produits, tarification. Des équipes d’Insight sont attitrées à chacun de ces domaines. Quel est leur mandat? C’est de trouver toutes les pratiques exemplaires de leur domaine, dans et hors de notre portefeuille, et aussi les pratiques inefficaces, puis de les codifier et de les communiquer à l’échelle de notre portefeuille. Nous en faisons beaucoup concernant les présentations aux clients pour les sociétés de notre portefeuille, et concernant le recrutement de personnel. Des équipes s’occupent de ces deux aspects. Donc nous disons aux responsables que nous n’offrons pas que du capital, nous offrons du capital plus tout ça. Bref, en plus d’être concurrentiels sur le plan de la valorisation, nous offrons une gamme complète de services, unique dans le secteur du capital-risque.
[00:11:42] Michael Vous avez parlé de communiquer avec les clients et de fidéliser les employés. En quoi vos relations avec les entreprises ont-elles évolué ou changé en raison de la COVID-19? On ne peut plus se présenter à un bureau pour rencontrer le chef de la direction désormais.
[00:11:58] Deven Non, et c’est sans doute l’un des plus gros obstacles qu’a apportés la COVID-19. J’ai justement rencontré hier le chef de la direction d’une société qu’un de nos portefeuilles songe à acquérir. Il m’a fait un drôle de commentaire : « Mes investisseurs actuels ne m’ont jamais rencontré. Vous voulez acquérir ma société et vous m’avez rencontré avant même mon investisseur actuel, qui veut la vendre » C’était un moment étrange, un signe qu’on vit à l’ère de la COVID-19. En passant, je suis sûr que des sociétés de mon portefeuille vivent aussi cette même dynamique, et je pense qu’il faudra des années avant de connaître toutes les incidences. Mais je pense qu’on apprend des choses en personne qu’on ne pourrait pas apprendre… On me dit parfois, ma femme m’a déjà demandé : « Il y a Zoom, pourquoi te donner la peine d’assister aux réunions du conseil? » J’ai répondu que ce n’est pas vraiment la réunion du conseil, c’est plutôt le repas qui la précède, ou le verre qui la suit, qui sont propices aux conversations informelles où on découvre vraiment des choses. Pour moi, une chose qui manque cruellement dans les ventes et les affaires conclues sur Zoom, ce sont ces ces relations personnelles et la bonne volonté, qui finissent toujours par être mises à l’épreuve, car chaque entreprise a un défi à relever. Je pense que l’absence de ces relations personnelles engendrera des risques. Ce genre d’ententes, pour nous tous, c’est relativement nouveau, personne n’a eu encore à relever ces défis, alors quand le moment viendra, il nous manquera quelque chose, parce que nous n’aurons pas pu forger de telles relations personnelles. Donc je suis ravi que nous puissions recommencer à rencontrer les dirigeants en personne. Je trouve ça très stimulant.
[00:13:46] Michael Dites-moi comment ça se passe lorsque cette relation personnelle est, comme vous dites, mise à l’épreuve.
[00:13:53] Deven Eh bien, dans toute entreprise, dans pratiquement toutes les entreprises, on en arrive à un point où un obstacle se présente. Ce peut être à cause d’un problème d’affaires, ou à cause d’un problème de marché qui nuit au rendement de l’entreprise. Il s’agit bien souvent de difficultés de gestion dans l’entreprise, qui peuvent parfois créer des frictions entre les investisseurs et la société. Selon mon expérience quand on… en passant, ça s’applique autant à l’interne qu’avec les sociétés, une chose que j’ai remarquée, c’est la possibilité d’aller dans le bureau de quelqu’un discuter d’un désaccord sur un dossier, une méthode ou une décision d’embauche, ça ne fonctionne pas aussi bien par courriels et textos. Dans une société de portefeuille où, par exemple, je pensais déceler un décalage entre la direction et le conseil d’administration, j’aurais fini par aller au restaurant avec l’équipe de direction et en 15 minutes, nous aurions résolu ce supposé désaccord, qui n’en était probablement pas vraiment un. On dirait que les gens se parlent sans s’écouter parce qu’on ne s’est pas vu en personne depuis plus de 18 mois. Je trouve que ça manque, échanges en personne, et ça se voit aussi dans la sphère personnelle. Ces communications en personne permettent de voir le langage corporel et surtout de parler de choses et d’autres pour détendre la conversation, et c’est souvent bien plus efficace qu’une séance sur Zoom.
[00:15:28] Michael Vous avez dit n’avoir jamais vu dans votre carrière de période où les sociétés de qualité croissaient aussi vite que durant la coronapocalypse, en 2020, 2021, 2022. Pourquoi la qualité? Pourquoi est-ce dans ce contexte étrange, où nous vivons depuis plus de deux ans maintenant, qu’on voit émerger des sociétés de la plus haute qualité?
[00:15:51] Deven C’est une bonne question. Je ne connais pas nécessairement la réponse, mais je constate que les frictions, à certains égards, pour créer une entreprise n’ont jamais été aussi basses. La capacité de mobiliser des capitaux, d’utiliser l’infonuagique et d’autres solutions de tiers pour lancer une entreprise très rapidement, d’embaucher à distance sans avoir à se contenter des candidats se trouvant dans une région définie. Tous ces éléments ont créé de la valeur, et c’est leur convergence, en plus, je pense, de la prise de conscience par de plus en plus de sociétés de la nécessité d’augmenter les investissements informatiques, ce qui apporte des fonds dans le secteur. C’est en combinant tous ces ingrédients qu’on s’est retrouvés avec beaucoup d’entreprises très intéressantes.
[00:16:44] Michael Pensez-vous que dans, disons, 10 ans, en repensant à l’ère de la COVID-19, vous affirmerez n’avoir jamais connu un tel boom?
[00:16:54] Deven Je ne sais pas, en fait, je ne sais pas si ça deviendra vrai un jour. Je pense que ç’a fini par devenir un catalyseur d’investissements pour d’autres raisons aussi. Notamment en éliminant les frictions du processus d’investissement. D’habitude, avant de faire un investissement, on prenait l’avion pour visiter l’entreprise et souper avec les dirigeants. Quand on pense à ce processus, de pouvoir faire tout ça par Zoom, c’est complètement différent. Il reste difficile de déterminer exactement ce qui a mené à cette activité. Ce sont là certains des éléments, ou des ingrédients qui, selon moi, y ont contribué, ça ne fait aucun doute. Mais qui sait ce que l’avenir nous réserve? Qui sait ce qui se passera ensuite? Je ne peux pas dire que oui, en fin de compte, ce sera la meilleure période de l’histoire. N’oublions pas que les valorisations aussi étaient très élevées. Peut-être qu’en y repensant, on se dira que les prix étaient élevés à ce moment-là. Je ne suis pas de ceux qui croient qu’il n’y aura pas de jours meilleurs à l’avenir.
[00:17:47] Michael À l’heure où les pays du monde entier relâchent prudemment les protocoles liés à la COVID-19, sur quels secteurs les grands investisseurs comme Insight Partners jetteront-ils leur dévolu? Deven Parekh trouve plus facile d’investir au Canada que de prendre l’avion pour aller outre-Atlantique. Il le justifie par des incitatifs fiscaux datant d’une vingtaine d’années qui rapportent encore des dividendes aujourd’hui. Mais même s’il convoite des occasions au Canada, il se dit prêt à prendre l’avion. Peut-être si ça le ramène en Inde. Dans cette perspective, je constate que vous avez investi davantage en Asie pendant la pandémie de COVID-19 qu’avant. À quoi est-ce attribuable et à quoi ressemblera la trajectoire d’investissement postpandémique?
[00:18:33] Deven C’est tout à fait vrai, ce que vous venez de dire. Dans notre cas, c’est surtout dans la région de l’Inde Je dirais c’est en partie motivé par une priorité, on n’a pas nécessairement décidé soudainement que, du fait de la pandémie, on devrait investir en Inde, ce n’est pas comme ça que c’est arrivé. Il y a quelques nouveaux marchés qui nous intéressent davantage. La technologie financière en fait partie. Une de nos observations a été, quand nous avons commencé à envisager ce marché, que des innovations fort intéressantes se produisent hors des États-Unis. Une grande partie du temps consacré à ce secteur visait l’examen de sociétés sur des marchés internationaux ou mondiaux, où les systèmes bancaires sont moins évolués, et donc la capacité de perturbation des services financiers de prochaine génération, plus grande. L’Inde est l’un de ces marchés comportant beaucoup d’occasions en technologies financières. Et en plus, nous avons constaté dans les dernières années que ce pays historiquement très solide fans le secteur des services ne l’est pas nécessairement pour créer des sociétés locales fondées sur la propriété intellectuelle qui intéresseraient le marché mondial. Mais les compétences de développement en Inde ont toujours été excellentes. Alors dans les cinq ou six dernières années, de nombreuses entreprises de logiciels créées en Inde grâce aux compétences exceptionnelles en ingénierie l’ont été d’une manière permettant l’exportation à l’échelle mondiale. Nous avons donc maintenant des investissements très intéressants dans des sociétés nées en Inde, souvent, le développement se fait encore en Inde, mais elles sont devenues des sociétés mondiales. On pourrait dire que la Terre s’aplatit en ce qui concerne les logiciels. Qu’est-ce qui fait qu’une société est indienne ou latino-américaine? Parfois, c’est seulement le fait d’y avoir été fondée, mais elle est ensuite entrée sur les marchés mondiaux. Je pense qu’il continuera d’y avoir des occasions en Inde, que nous resterons actifs là-bas. Nous avons fait nos premiers investissements en Afrique. Est-ce qu’ils vont se multiplier? Je ne sais pas. Mais il reste beaucoup de ces marchés où les secteurs financiers et logiciels demeurent moins développés que dans d’autres régions du monde, et où les besoins sont tout aussi grands. Nous entrevoyons beaucoup d’occasions de croissance de l’adoption des technologies dans ces marchés.
[00:20:52] Michael Revenons chez nous, car vous avez dit qu’il est plus facile d’investir au Canada que de prendre l’avion pour aller en Europe. Quel rôle le gouvernement a-t-il joué pour faire du Canada un endroit intéressant où investir?
[00:21:02] Deven Eh bien, par le passé, le Canada, je ne sais pas si c’est encore vrai aujourd’hui, mais à mon arrivée à Insight en 2000, le Canada avait mis en place des crédits d’impôt pour encourager le développement de logiciels au Canada. En général, des multinationales obtenaient ces incitatifs fiscaux pour amener des talents en développement au Canada. En tout cas, bien des sociétés de notre portefeuille l’ont fait. Mais tout ça aboutit en fait à la création d’un écosystème de talents. Ces sociétés se retirent. Les employés les quittent. Ils forment de nouvelles sociétés. Où les constituent-ils? Souvent là où ils vivent. Où est-ce? Dans ce cas, au Canada. C’est ce qu’on peut voir maintenant, par exemple, dans notre seule base de données, nous suivons plus de 6 000 sociétés canadiennes.
[00:21:52] Michael Six mille sociétés au Canada seulement?
[00:21:54] Deven Six mille sociétés. Oui. C’est donc dire que, je n’ai pas les données d’il y a 10 ou 15 ans, mais je peux dire que c’était beaucoup moins. Dans quelle mesure est-ce attribuable aux incitatifs que le gouvernement a mis en place? Je ne sais pas. Je manque de données pour répondre à cette question. Mais tout gouvernement instaurant des incitatifs pour encourager la recherche et le développement sur son marché local en tirera normalement des dividendes.
[00:22:26] Michael Vous avez dit que certains secteurs perçus comme étant hautement numériques ne le sont pas et que nous somme à l’aube d’une transformation numérique multidécennale. Selon vous, où trouvera-t-on le plus d’occasions de création de valeur?
[00:22:38] Deven Même dans les secteurs considérés comme fortement axés sur les logiciels ou dépendants des logiciels, les besoins d’investissement sont très très élevés. Puis il y a d’autres secteurs où on ne se rend pas compte de la quantité de logiciels nécessaires. Le meilleur exemple est l’industrie automobile. La plupart des gens ignorent que de nos jours, il y a souvent plus d’informatique dans une voiture que dans un avion. Nous en voyons maintenant les inconvénients, car de quoi les logiciels dépendent-ils? Ils dépendent des puces. Et d’où viennent ces puces? Eh bien, elles viennent d’autres régions du monde.
[00:23:12] Michael Elles ne viennent nulle part en ce moment.
[00:23:13] Deven En effet. Elles ne viennent de nulle part en ce moment. L’offre de puces a été perturbée, et ç’a eu d’énormes répercussions sur la chaîne d’approvisionnement. J’irais jusqu’à dire qu’il est impossible de trouver un secteur dont le pourcentage, au cours des cinq prochaines années, dont le pourcentage de valeur en logiciels n’augmentera pas. C’est pratiquement inévitable. Pour moi, c’est ce qui rend cette période si stimulante, car ça n’a pas vraiment d’importance, le secteur choisi. Des secteurs que les gens ne perçoivent pas du tout comme informatisés reposent sur beaucoup de logiciels, et cette composante logicielle va continuer d’augmenter. C’est le plus emballant dans ce que nous faisons comme investisseurs en logiciels, que pour 10 à 20 ans, des taux de croissance à long terme très solide se maintiendront. C’est un autre facteur qui fait que bon nombre d’entreprises continuent de croître.
[00:24:12] Michael J’ai vu quelque part que seulement une charge de travail d’application sur quatre se fait dans le nuage à l’heure actuelle, que la plupart des logiciels fonctionnent encore sur des machines individuelles et que les dépenses en logiciels-services quadrupleront d’ici 10 ans.
[00:24:27] Deven Oui, il y a beaucoup de rapports différents sur le sujet. Qu’on prenne le rapport le plus prudent ou le plus audacieux, ils prévoient tous une croissance extraordinaire. Ce qui se passe dans le monde où nous vivons, dans les sociétés de logiciels et de technologie, oui, la plupart d’entre elles utilisent déjà l’infonuagique. Mais il faut aussi définir le nuage de plus d’une façon. Il y a le nuage public, mais il y a aussi le nuage privé, qui permet aux entreprises d’utiliser une application infonuagique, mais qui se trouve en fait sur leur propre nuage, ce qui évite le regroupement des données. Nous verrons encore une croissance substantielle de l’adoption de l’infonuagique dans les 10 ou 20 prochaines années. Alors le taux de croissance, en général, les gens ont toujours sous-estimé le taux de croissance des logiciels. Si on prend, par exemple, la taille qu’on prévoyait pour Salesforce.com il y a 15 ans, les gens se sont trompés d’ordre de grandeur. Entre autres raisons, ce que l’infonuagique a fait en abaissant le prix, en réduisant le temps de mise en œuvre et en rendant les logiciels plus faciles à mettre en œuvre, c’est d’augmenter considérablement le nombre d’utilisateurs potentiels d’un logiciel. Et nous continuons de le constater dans d’innombrables applications verticales et horizontales.
[00:25:52] Michael Pour les entrepreneurs, s’il n’y avait qu’un point à retenir dans notre entretien, quel serait-il, selon vous?
[00:26:00] Deven Je pense que ce serait de se concentrer sur un problème passionnant. Parfois, la tentation dans les marchés comme celui-ci, qui peuvent être effervescents, est de choisir la tendance du moment. Qu’on parle du Web3 aujourd’hui ou de l’intelligence artificielle et de l’apprentissage machine il y a un an. Mon conseil serait que, il y aura toujours des hauts et des bas sur les marchés, mais si vous vous concentrez sur un problème qui vous passionne, vous aurez plus de chances de bien le résoudre et serez plus susceptible de bâtir une grande entreprise. Oui, il y aura beaucoup de profits réalisés en intelligence artificielle et en apprentissage machine, de profits réalisés avec le Web3 et les applications de logiciels-service, mais il est toujours rentable de créer une application qui règle un irritant complexe à grande échelle. Si vous choisissez une chose qui vous passionne vraiment ou que vous connaissez bien et que vous vous y tenez sans vous soucier de la tendance du jour ou de la semaine, vous êtes sans aucun doute sur la voie de la réussite. Car on voit souvent des entreprises se lancer dans quelque chose qui ne leur convient pas vraiment en pensant que c’est ce que veulent les investisseurs. Mais au fonds, régler un irritant amènera les clients à acheter votre produit et à vouloir l’acheter encore. C’est ça, la voie de la réussite. C’est très simple, mais beaucoup de gens ne la suivent pas.
[00:27:23] Michael C’est fascinant. Merci beaucoup de votre temps et de vos commentaires.
[00:27:25] Deven Merci.
[00:27:27] Michael Deven Parekh est directeur général d’Insight Partners. Accélérer la croissance des revenus tirés de logiciels en cette fin de pandémie de COVID-19 exige d’avoir déjà l’adéquation produit-marché et de suivre les pratiques exemplaires en ventes, marketing, finance et stratégies, en plus de mobiliser les clients et de fidéliser les employés. Quand nous pourrons en toute confiance réinviter les clients potentiels au restaurant, cet argumentaire de vente peaufiné pendant la pandémie portera ses fruits. Et si vous parvenez à inscrire les clients dans un modèle de revenus périodiques par abonnement, Devon Parekh pourrait bien frapper à votre porte. Je m’appelle Michael Hainsworth et je vous remercie de votre attention.